Parution du 6e rapport cantonal du SHE: le e-learning sous la loupe
De gauche à droite: Nathalie Duc et Ursula Stalder
Ce qui est revendiqué, c’est plutôt un enseignement mixte. - Nathalie Duc
Le rapport annuel du Service des hautes écoles (SHE) vient de paraître. Il porte sur le thème du e-learning et est préfacé par Christophe Darbellay, chef du Département de l’économie et de la formation, et Yves Rey, chef du SHE. Ce rapport cantonal met en évidence l’accélération de la digitalisation et de l’évolution technique, comme l’un des effets positifs de la crise sanitaire liée au Covid-19, tout en permettant de voir certaines limites du e-learning et du e-teaching.
C’est entre mai et juin 2020 que l’enquête a été réalisée auprès des hautes écoles situées sur l’ensemble du territoire valaisan et ce sont 1’178 étudiants, 365 professeurs et 102 collaborateurs sans charge d’enseignement et qui ont répondu aux questionnaires.
Nathalie Duc, responsable du secteur Pilotage, évaluation et soutien à la formation tertiaire
Ursula Maria Stalder, collaboratrice scientifique, responsable de l’enquête
En introduction, vous précisez que le choix du thème s’est porté dès 2019 sur l’e-learning. Pourquoi avoir choisi cet angle, devenu ensuite avec la crise particulièrement d’actualité?
Nathalie Duc: En 2018, nous avions rédigé un rapport qui portait sur la digitalisation dans le domaine des hautes écoles, en envisageant dès ce moment-là l’éventualité de nous focaliser ultérieurement sur le e-learning. En 2019, lorsque la thématique a été retenue pour le rapport 2020, nous avons intégré les hautes écoles à distance dès nos premières discussions. Face à la crise, adapter nos questionnaires était une évidence, en décalant légèrement leur passation.
Ursula Stalder: En rencontrant les directions des établissements d’études à distance, nous avions choisi de nous focaliser sur l’acceptation du e-learning en tant que méthode d’enseignement, afin d’en examiner les facteurs d’influence, dont la perception de l’utilité ou la flexibilité, pour obtenir des informations en vue d’une utilisation plus large du e-learning dans l’enseignement. Avec la crise, l’ajout de quelques questions visait à permettre une perception globale relative à cette situation particulière.
La proportion de répondants germanophones paraît élevée…
Ursula Stalder: Les étudiants dans les hautes écoles à distance, que ce soit l’Unidistance ou la Fernfachhochschule, sont majoritairement germanophones et comme ils sont proportionnellement plus nombreux à avoir répondu à notre enquête, c’est l’une des explications.
Le fait que de manière générale les hautes écoles à distance, ou des formations comme la Team Academy, soient plus à l’aise avec le e-learning que la Haute Ecole de Musique semble logique. Par contre, le positionnement de la HEP-VS selon les questions est un peu moins facilement interprétable, non?
Ursula Stalder: La HEP propose un enseignement partiellement à distance pour ses filières du niveau secondaire I et II, aussi cela a pu contribuer à influencer le résultat à l’une ou l’autre question.
Nathalie Duc: Dans l’ensemble, on observe toutefois que la HEP-VS se situe dans une position médiane, entre les filières à distance et la Haute Ecole de musique.
Quel résultat de l’enquête vous a paru le plus étonnant?
Nathalie Duc: Je ne m’attendais pas à un besoin aussi clairement exprimé par certains étudiants d’être en présentiel pour les cours pratiques et pour nouer des relations sociales, mais ce qui m’a le plus surprise, c’est le rapport différencié au e-learning selon l’âge. Constater que les plus jeunes sont moins ouverts au e-learning est assez troublant, même si l’on sait que les étudiants des hautes écoles à distance, souvent les plus motivés par cette forme d’études, sont plus âgés.
Ursula Stalder: Oui, mais les moins de 25 ans, aussi dans les filières à distance, présentent une acceptation plus faible du e-learning. Ce n’est donc pas une différence seulement liée au type d’école. Par ailleurs, si certains étudiants ont été convaincus par le passage à des études à distance dans leur intégralité, d’autres n’ont même pas trouvé cela adapté à la théorie, ce que je n’avais pas envisagé.
A partir des résultats, vers quel modèle d’enseignement devrait-on s’acheminer?
Nathalie Duc: Ce qui est revendiqué, c’est plutôt un enseignement mixte, combinant présentiel et distanciel, soit le blended learning. Par ailleurs, des méthodes et des didactiques adaptées au format choisi sont attendues.
Ursula Stalder: Dans les filières déjà en blended learning, le passage au 100% à distance a été plus facile. En HES, il ressort de l’enquête qu’une partie en présentiel est essentielle. De nouveaux équilibres entre ces diverses modalités d’enseignement et d’apprentissage sont certainement à trouver.
Quels sont les besoins exprimés?
Nathalie Duc: Il y a notamment le souhait de pouvoir bénéficier de parcours plus individualisés et flexibilisés. La formation continue va aussi devoir s’adapter, d’autant qu’en la matière les étudiants et les professeurs semblent considérer le e-learning particulièrement adapté.
Ursula Stalder: On constate le besoin de redéfinir les cours où l’enseignement en présentiel est indispensable et ceux où l’on peut mieux apprendre à son rythme à distance. Par exemple, pour approfondir certains apprentissages, les capsules vidéo, d’une durée maximum de 5 minutes et fournissant des exemples complémentaires à ceux donnés en cours, sont jugées comme étant efficaces. Les enseignants estiment pour leur part avoir besoin d’un meilleur accompagnement pour pouvoir produire de tels contenus.
A vous lire, le Valais paraît bien placé dans cette accélération de la transition vers le numérique. Quelle est sa force principale pour relever les futurs défis?
Nathalie Duc: Par exemple, avec le centre Cyberlearn de la HES-SO Valais-Wallis, Unidistance ainsi que la Fernfachhoschule, nous avons la chance d’avoir un véritable pôle de compétences de la transformation digitale de l’enseignement dans notre canton, et des initiatives sont également développées de manière autonome dans chacune des hautes écoles, aussi il s’agit de poursuivre l’effort de mises en réseau, tout en respectant la diversité des modèles d’enseignement de chaque institution. Au SHE, en ayant la vue d’ensemble sur toutes ces initiatives, nous pouvons favoriser certaines collaborations.
Ursula Stalder: Les hautes écoles ont beaucoup progressé ces dernières années en matière de e-learning, ce qui a permis d’affronter l’enseignement complet à distance sans trop de difficultés. Cette crise a offert l’opportunité d’un état des lieux de tous les outils développés et a accéléré la collaboration entre les institutions. Pour l’avenir, à mon sens il s’agira surtout de faire en sorte que tout le monde puisse monter dans le même bateau, en trouvant les pistes pour éviter qu’une minorité ne s’oppose à toute forme d’apprentissage via le e-learning, sans diminuer la valeur de l’enseignement en face-à-face.
Avec la durée prolongée de l’enseignement à distance dans les hautes écoles, ne serait-il pas judicieux de prévoir un deuxième volet à cette enquête?
Nathalie Duc: Nous y réfléchissons. Nous ne savons pas encore à quel horizon il y aura ce prolongement qui permettrait d’avoir un peu de recul par rapport à cette accélération forcée en matière de e-learning. A noter qu’il y a aussi eu des enquêtes plus ciblées menées par les hautes écoles qui complètent déjà notre analyse globale.
Propos recueillis par Nadia Revaz
Les rapports du SHE depuis 2015