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Prix RTS Littérature Ados: le choix du jury valaisan

A l’occasion de cette édition 2023, ce ne sont pas moins de 175 jeunes qui ont été concernés par le Prix RTS Littérature Ados à travers 13 groupes de lecture constitués dans des classes ou des bibliothèques du Valais romand. Le 8 février dernier, alors qu’il faisait particulièrement beau en ce mercredi après-midi, les représentants de 8 de ces comités étaient présents à la Médiathèque Valais – Saint-Maurice pour désigner le livre coup de cœur du jury cantonal. Un choix qui s’est révélé impossible, étant donné qu’ils hésitaient entre deux titres en lice. Chacun campant sur ses positions, ils ont opté pour un tirage au sort.

Les discussions se sont déroulées en présence de Christine Fontana, coordinatrice de plusieurs projets à l’Institut suisse jeunesse et médias (ISJM), d’Evelyne Nicollerat, bibliothécaire responsable de la Documentation pédagogique pour le Valais romand à la Médiathèque Valais de Saint-Maurice et coordinatrice du Prix au niveau cantonal et des accompagnants.

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Le jury valaisan des lecteurs du Prix RTS Littérature Ados

Commençons par les présentations des membres du jury. Alicia Hischier (CO d’Octodure à Martigny, classe de Sophie Mathey) a toujours adoré lire; Louis Gabioud (CO d’Orsières) cite Harry Potter comme étant son premier livre aimé et le point de départ de sa transformation en grand lecteur; Julie Schwery (bibliothèque du CO de Martigny) se définit comme une lectrice de romans afin de sortir de son univers quotidien et pouvoir voyager dans un ailleurs; Clémence Luyet (bibliothèque de Savièse) précise avoir des lectures dans tous les styles; Lena Amacker (bibliothèque-médiathèque de Sierre) a aussi été marquée par la série de J.-K. Rolling; Amaya Jacob (CO d’Octodure, classe de Sylvie Rossoz) dévore des livres pour ressentir d’autres émotions que les siennes et mentionne parmi les découvertes marquantes celle d’Alma, le vent se lève; Noah Piller (bibliothèque de Collombey-Muraz) est un adepte de romans fantasy, avec comme premier souvenir La guerre des clans à une époque où il ne lisait que des BD. A ce panel s’ajoute Ludovic Thurre, un jeune ayant participé au groupe de lecture de la Médiathèque de Saint-Maurice, avec la casquette d’apprenti AID (agent en information documentaire) en 1re année au sein de cette institution (cf. interview en p. 43). Il confie avoir de moins en moins lu après le CO, cependant il a retrouvé le plaisir des mots en raison de son nouvel environnement professionnel et a accepté de remplacer un jeune collégien de son groupe de lecture n’ayant pas pu être présent à la date de réunion du jury cantonal.

Les élèves ont d’abord été invités à se mettre dans la peau d’ambassadeurs ou d’avocats de chacun des ouvrages, et le défi fut relevé avec aisance, car la sélection a été jugée d’une qualité assez homogène par les 8 jeunes autour de la table. Ludovic s’attendait à découvrir au moins un livre de science-fiction parmi les 5 retenus, ce genre étant selon lui représentatif de la littérature jeunesse. Noah pensait aussi ne pas lire que des livres réalistes, cependant cette absence de diversité ne l’a pas dérangé. Pour sa part, Amaya n’avait pas d’attente particulière, constatant que dans tous les livres l’ambiance était globalement reliée à l’espérance, ce qui lui a semblé essentiel en cette période plutôt sombre. Lena a trouvé les thèmes forts et bien choisis, parce que pouvant parler à tout le monde. Si Clémence avait imaginé que la sélection contiendrait des romans policiers ou de la littérature fantastique par exemple, son étonnement ne fut que de courte durée, happée par chacune des narrations. Julie observe que l’identité sert de fil rouge à la sélection, avec des personnages qui émeuvent ou révoltent. Dixit Louis, les 5 livres étaient «cools». Alicia note que dans chacun il y avait des rebondissements, ce qui est idéal pour inciter à la lecture.

 

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Clémence et Julie lors de la discussion en duo

 

Afin d’examiner les livres selon un ordre aléatoire, les jeunes ont choisi le numéro d’une carte avec au dos le début d’un des 5 livres. Après lecture de ces passages à haute voix, il s’agissait d’évoquer la manière dont l’auteur a réussi ou non à susciter la curiosité du lecteur, avant de parler de chacun des titres plus librement, notamment sous l’angle de la couverture, du contenu, du style ou des émotions ressenties.

 

L RTS fins moi

Les fins de moi sont difficiles

A propos de ce livre relatant les difficultés d’intégration d’une élève dans sa nouvelle école, Alicia souligne qu’il est intéressant de relire le début du texte après en avoir terminé la lecture, afin de mieux comprendre en quoi les apparences peuvent être trompeuses. Lena estime que ces premières lignes, plaçant immédiatement le lecteur dans l’intrigue, donnent envie de se plonger dans ce récit pour découvrir la vie d’adolescents. Les autres membres du jury disent que la couverture et le titre, avec son jeu de mots, reflètent assez bien le contenu. Les jeunes expliquent que ce roman aborde des thématiques lourdes et sensibles, notamment le harcèlement et la rumeur, mais que celles-ci sont adaptées au public cible et que l’un des intérêts de cette fiction est d’assister à l’évolution du personnage principal au fil des pages. Sa relation originale avec sa professeure de français a aussi touché une partie du jury valaisan. Pour plusieurs lecteurs, le défaut de ce roman, c’est le dernier chapitre, jugé tantôt trop vague, tantôt trop prévisible. A contrario, certains ont apprécié la touche de mystère.

 

 
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A(ni)mal
 
Notre octuor a été embarqué par ce roman qui évoque un sujet d’actualité, à savoir la migration sur fond de guerre, dans une écriture très poétique. Les jeunes se sont attachés à tous les personnages ou presque. Le flou lié au lieu du déroulement de cette histoire ainsi que les questions qui demeurent en suspens laissent une place à l’imaginaire, ce qui est de l’avis de la grande majorité du jury l’un des atouts de ce livre. Le lecteur réalise ainsi que cette histoire pourrait arriver n’importe où et à n’importe qui. Louis signale que l’énigme du titre n’est dévoilée qu’à la fin. Sans divulgâcher le dénouement, tous les membres du jury ont été cueillis par cet effet de surprise total. Clémence insiste sur la cohérence entre la couverture et le récit et Noah attire l’attention sur le milieu du mot entre parenthèses sur la couverture, tout en relevant la force des faits réels relatés dans ce roman d’aventures. Julie a adoré les allusions cachées permettant plusieurs degrés de compréhension. Dans ce récit qu’il qualifie d’initiatique, Ludovic met en évidence le détail des descriptions physiques. Amaya perçoit ce livre comme un tutoriel pour commencer sa vie d’adulte, avec des personnages qui amènent des valeurs nécessaires pour grandir, ajoutant que les rencontres éphémères étaient juste un peu trop répétitives. Plusieurs disent n’être pas vraiment d’accord avec ce point de vue, ayant perçu les rôles différents de chacune des familles. Ce livre rappelle par ailleurs qu’il y a fort heureusement des personnes dans ce monde disposées à aider les gens en difficulté.
 
 
 
L RTS reverras frere
 
Tu reverras ton frère
 

Si certains ont été quelque peu déstabilisés par l’alternance régulière du récit au présent et au passé, d’autres ont trouvé au contraire que cela structure bien la compréhension de la chronologie des événements ayant conduit à la disparition de Jules, alias «Tigrou», demi-frère d’Ava et de Billie. Cela donne du rythme à cette histoire troublante de vol d’enfant, entraînant une séparation douloureuse, et ce même si l’issue de l’aventure est connue dès le départ. Plusieurs membres du jury ont été frustrés par le format court, tandis que d’autres ont laissé leur imagination compléter un manque de précisions. Quelques-uns font remarquer que cette collection permet d’inciter à la lecture des jeunes qui ne sont pas forcément de grands lecteurs, sachant par ailleurs qu’il est possible d’écouter la version audio. Dans le même temps, ils considèrent que c’est le livre idéal à découvrir en dernier si l’on s’attelle à l’ensemble de la sélection, d’autant qu’il est moins bref qu’il n’y paraît à cause du choix de la police d’écriture. En filigrane, une suite à ce livre est suggérée, afin de savoir ce qui est arrivé à «Tigrou» entre sa disparition et les retrouvailles.
 
 
 
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Le talent d’Achille
 

Dans ce roman qui relie le foot à la poésie, Louis retient surtout l’équipe de joueurs nulle, mais qui progresse rapidement, tout en reconnaissant que le deuxième fil narratif peut motiver une autre catégorie de lecteurs. Pour Clémence, c’est le fait que ce soit un garçon joueur de foot se mettant à lire de la poésie jusqu’à en devenir adepte qui rend ce roman original et différent. Julie observe que là encore il y a la question de la double identité, avec d’un côté le sportif pas très doué et de l’autre le garçon qui veut plaire à Suzanne. Les jeunes se sont attachés au vieux Monsieur Finckel et à la bibliothécaire. Lena relève l’importance de cette dernière, étant donné que c’est grâce à elle qu’Achille découvre la poésie et que ses camarades s’intéressent à ce genre de littérature dont on parle peu actuellement. Cette relation de complicité est mise en lien avec celle de Mathilde avec sa prof de français dans Les fins de moi sont difficiles. Aux yeux de Louis, l’emballement pour la poésie sur YouTube est irréaliste et il aurait dosé cette progression dans le récit avec plus de modération. D’autres y voient un pouvoir de la fiction, avec une exagération propre au surjeu théâtral. Ludovic note que l’humour est présent dans ce livre, ce qui n’est pas forcément le cas dans les autres titres. Une voix suggère d’aborder ce texte en lecture suivie, car il y a matière à discussion, avec des histoires qui s’entrelacent, dont celle de l’absence du père, des mots surannés et obsolètes ainsi qu’une rare place accordée à des poèmes classiques.
 
 
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Eden, fille de personne
 

Dès les premiers mots, les élèves sont entrés dans le sujet poignant de la réadoption de Salt Lake City à Page en Arizona. Savoir que ce roman dans une société pas complètement différente de la nôtre était inspiré de faits réels a ému Alicia, qui s’étonne que l’on puisse abandonner ainsi des enfants. Eden, avec son côté rebelle et ses remords, a suscité la compassion des lecteurs autour de la table, d’autant qu’ils notent que ce thème est moins abordé médiatiquement que celui de la migration. Ils sont d’avis que cette lecture leur a ouvert les yeux sur une réalité terrible dont ils n’avaient pas connaissance. Le fait que le récit mette en parallèle la réadoption d’enfants avec l’abandon d’animaux a contribué à leur indignation. Tous trouvent que ce texte est bien conçu et que le caractère bien trempé ainsi que les réactions méfiantes et ambivalentes d’Eden font que le lecteur s’accroche à ce récit terrifiant et à ce personnage qu’ils ont adoré détester par moments. La relation avec son tuteur qui l’aide à grandir est perçue comme très touchante. Amaya a vu un écho à sa vie, Eden se découvrant au fur et à mesure des jours, passant par les phases de l’adolescence. Pour une partie du jury, le seul point discutable est lié au départ du meilleur ami d’Eden. Là encore, c’est la vraisemblance qui paraît mise à mal pour quelques-uns, d’autres défendant la construction logique conduisant à cette fuite.
 
 

Si chacun des 5 livres a recueilli des avis favorables, le coude à coude s’est joué entre A(ni)mal et Eden, fille de personne. Le débat a principalement porté sur l’identification aux personnages, avec des arguments en faveur de ces deux livres. Noah est d’avis que l’on est plus facilement dans la peau du personnage d’A(ni)mal, par exemple lors du voyage en camion, mais d’autres pensent que c’est plus facile de se retrouver en Eden. Lors du tirage au sort, le jury valaisan a retenu le livre A(ni)mal.

 

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Amaya et Lena lors de la discussion en duo

 

Après les délibérations, les élèves ont pu échanger autour d’un goûter, l’accueil étant comme à l’accoutumée au top à la Médiathèque Valais – Saint-Maurice.

Pour les délibérations finales et romandes qui auront lieu à la RTS à Lausanne, Amaya représentera le canton et en cas d’indisponibilité Clémence sera sa remplaçante. A l’unisson, le duo estime avoir bien pu défendre chacun des livres de la sélection. «Même si on n’était pas tous d’accord sur le choix du coup de cœur valaisan, les arguments en faveur des deux livres étaient valables», commente Clémence. Amaya ajoute: «J’aurais presque pu voter pour A(ni)mal, car j’ai également bien aimé ce livre.» Et sa collègue du club de lecture valaisan de conclure: «C’est vraiment trop chouette de pouvoir discuter avec des jeunes qu’on ne connaît pas et qui ont lu les mêmes livres, car cela nous rapproche.»

Le Prix sera remis à l’un des 5 auteurs le 22 mars prochain dans le cadre du Salon du livre à Genève. Ainsi que le souligne Christine Fontana, la sélection sert à débattre en vue du Prix, mais celle-ci continue son chemin dans les écoles et dans les bibliothèques au-delà de cette date, notamment grâce aux documents pédagogiques à disposition en ligne.

 

INTERVIEW DE LUDOVIC THURRE

Après avoir achevé une formation d’informaticien à l’Ecole professionnelle technique et des métiers de Sion, Ludovic Thurre a choisi de se réorienter dans un autre domaine, motivé à l’idée d’être en contact avec du public. Désormais apprenti AID en 1re année à la Médiathèque Valais de Saint-Maurice, il n’exclut pas d’apporter les compétences informatiques acquises dans son nouvel univers.

 

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Ludovic Thurre

 

Comment évaluez-vous la sélection 2023 du Prix RTS Littérature Ados?

De base, je préfère lire des classiques de la littérature et des livres de science-fiction, plutôt que des romans contemporains réalistes, toutefois dans l’ensemble j’ai été agréablement surpris par cette sélection de livres pour la jeunesse. Evidemment, malgré des thématiques puissantes, certains textes sont un peu édulcorés parce que s’adressant à des ados et non à des adultes.

«J’ai été agréablement surpris par cette sélection de livres pour la jeunesse.»

 

Quelle a été votre impression lors des discussions au niveau du jury cantonal?

J’ai été assez épaté par les arguments avancés, surtout qu’à leur âge, c’est plus difficile de mettre une raison derrière le «j’aime» ou «j’aime pas». Je trouve que les ados étaient bien préparés et ont tous été participatifs. Chacun a eu, me semble-t-il, le temps de parole qu’il souhaitait. Ma seule distance avec le groupe concerne leur besoin de pouvoir s’identifier au personnage, car d’après moi c’est un piège. De mon point de vue, tout se joue davantage au niveau de l’empathie éprouvée envers les personnages.

 

Que pensez-vous des initiatives pour promouvoir la lecture-plaisir?

C’est à mon sens essentiel pour montrer que la lecture n’est pas que scolaire. Je suis ravi de voir que la Médiathèque est impliquée dans de telles actions.

 

Propos recueillis par Nadia Revaz

 


Pour en savoir plus sur le Prix RTS Littérature Ados

Ce concours a pour vocation de promouvoir la littérature jeunesse. ISJM collabore à ce Prix, au niveau des comités de lecture, organisés en classe ou en bibliothèque. La CIIP (Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin) est également partenaire du projet, via e-media.

Extraits audio des délibaréations valaisannes sur la chaîne YouTube de la Médiathèque Valais

A(ni)mal de Cécile Alix remporte le Prix RTS Littérature Ados 2023

L’autrice jeunesse Cécile Alix remporte le Prix RTS Littérature Ados 2023 pour son roman A(ni)mal publié aux éditions Slalom. Plus de 600 adolescentes et adolescents de Suisse romande ont débattu dans leur classe ou leur club de lecture des cinq livres en lice Le jury, composé de sept jeunes de 13 à 15 ans représentant chacune et chacun un canton romand, s’est réuni dans les locaux de la RTS à Lausanne pour désigner la lauréate. Le prix sera remis le mercredi 22 mars entre 13h et 15h au Salon du livre de Genève à Palexpo.

www.rts.ch/decouverte
www.isjm.ch
www.e-media.ch


La sélection 2023 du Prix RTS Littérature Ados


Marie Colot in Eden, fille de personne (Actes Sud Junior, 2021)
Séverine Vidal in Tu reverras ton frère (Nathan, 2021)
Hubert Ben Kemoun in Les fins de moi sont difficiles (Flammarion, 2021)
Cécile Alix in A(ni)mal (Slalom, 2022)
Pascal Ruter in Le talent d’Achille (Didier Jeunesse, 2021)

 


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