«Respire, c’est cadeau»: regards croisés d’Isabelle Bétrisey et de Nadine Roh
Nadine Roh, enseignante en 8H à Savièse et enseignante ressource pour le vivre ensemble (ERVE), a obtenu un Certificat d’études avancées (CAS) en psychologie positive délivré par l’Université de Lausanne. Son travail, intitulé «Respire, c’est cadeau», a été mené sous la direction de Marine Pauscik, maîtresse de conférences à l’Université Grenoble Alpes, et avec l’expertise d’Isabelle Bétrisey, au double parcours d'enseignante et de psychologue, professeure à la Haute école pédagogique du Valais, et représentante des HEP romandes au sein du comité directeur de ce CAS dans lequel elle intervient au niveau d’un des modules. Cerise sur le gâteau, le poster de Nadine Roh, portant sur l’impact de la respiration sur la réduction du stress et l’amélioration de plusieurs dimensions, dont l’attention, a reçu le prix Société suisse de psychologie positive (SWIPPA) décerné au meilleur travail de la volée.
«J’ai toujours estimé important d’apporter de la chaleur et du soleil à l’école, donc de la bienveillance et de la gratitude», raconte Nadine Roh. Isabelle Bétrisey, pionnière de la psychologie positive en Valais, l’ayant encouragée à suivre ce CAS touchant divers domaines professionnels, de façon à avoir une certification, argumente: «Comme beaucoup d’enseignants, Nadine a suivi de nombreuses formations patchwork et à un moment donné je pense que cela vaut la peine d’avoir une validation officielle de ses acquis.»
«La respiration en conscience peut être utile pour des enfants qui n’arrivent pas à focaliser leur attention.»
Isabelle Bétrisey
Du stress à la respiration
Nadine Roh a choisi sa problématique en observant la place excessive du stress chez ses élèves de 8H et en se basant sur les données récentes montrant son augmentation chez les jeunes et la pression accrue sur les résultats scolaires (OFS – Pro Juventute Suisse). «Si j’ai décidé d’axer ma recherche sur les effets de la respiration, c’est que chacun l’a tout le temps avec soi, mais sans y penser», explique celle qui donne par ailleurs des cours de yoga. Et elle complète: «Je trouve important de chercher des pistes pour augmenter la présence attentive des élèves en classe.» Pour Isabelle Bétrisey, «comme la psychologie positive est un terme parapluie qui abrite beaucoup de concepts, la respiration était tout à fait un angle possible, après il s’agissait d’avoir une méthode de recherche». C’est ainsi que Nadine Roh a choisi de tester des interventions de 5 minutes par jour pendant 8 semaines dans deux classes de 8H, mais bien sûr pas dans la sienne, de façon à éviter d’avoir un biais dans les résultats. D’un côté, les élèves ont bénéficié d’activités de respiration dans des pratiques attentionnelles et de l’autre de séances de relaxation avec respiration, mais sans focale sur l’attention. Avec quatre prises de mesure et une analyse de l’évolution des bulletins de notes, l’impact sur l’estime de soi, le bien-être général ressenti ainsi que les performances en français et en maths ont aussi été observés.
«Je trouve important de chercher des pistes pour augmenter la présence attentive des élèves en classe.»
Nadine Roh
Conscientes des critiques de certains envers la psychologie positive, Isabelle Bétrisey et Nadine Roh soulignent que l’approche n’a rien de «bisounours», convaincues que le cadre et la fermeté sont nécessaires pour développer les forces de la personne et favoriser le bien-être individuel et collectif. Sans être la panacée, elles disent, en s’appuyant sur les résultats de recherches, que ce peut être une réponse pour parvenir à fixer son attention dans un monde en agitation permanente, même si elles n’occultent pas que les bénéfices ne sont pas universels. «Les élèves avaient la liberté de ne pas faire les exercices, aussi il est arrivé, surtout au début, que quelques-uns ne participent pas, avec comme seule consigne de rester silencieux», observe Nadine Roh. «Ces techniques sont de toute façon en parfaite adéquation avec les objectifs associés au développement des capacités transversales», souligne-t-elle. Isabelle Bétrisey va dans le même sens, rappelant que «la respiration en conscience peut être utile pour certains enfants qui n’arrivent pas à focaliser leur attention, notamment les profils anxieux».
Pour l’anecdote, des élèves, qui n’avaient pas vécu les interventions en classe, ont demandé à Nadine Roh de les coacher pour un tournoi de football féminin, car une de leurs camarades leur avait dit que cela l’avait aidée à mieux se concentrer. «Comme c’était leur idée, ce fut pour moi un moment absolument magique, d’autant qu’elles ont gagné le match», se souvient avec émotion l’enseignante. Selon Isabelle Bétrisey, «avoir un tel retour de la part des élèves, c’est aussi fort que les résultats évalués par la recherche». Et de poursuivre: «Cela fait écho au rôle des coachs sportifs cet hiver avec l’équipe suisse de ski, ayant mis en avant les bienfaits des exercices de respiration ou de focalisation tant au niveau mental que corporel, avec une incidence directe sur le taux de cortisol.» L’une et l’autre jugent crucial ce lien avec l’amélioration des résultats, car le bien-être, le plaisir et la joie offrent un terrain propice pour s’entraîner aux apprentissages.
Nadine Roh observe que grâce à ce CAS, démontrant les retombées positives de la respiration en conscience, elle a enrichi sa boîte à outils pour son activité d’enseignante ressource pour le vivre ensemble à Arbaz, Ayent, Grimisuat et Savièse. Au quotidien, elle tente de s’arrêter trois fois par jour, pour simplement prendre conscience de sa respiration, ce qui lui permet de calmer son hyperactivité. A ses élèves en 8H, elle leur propose de temps à autre l’une ou l’autre activité expérimentée, en leur indiquant les résultats obtenus sur l’attention et les évaluations en français et en maths dans le cadre de sa recherche. Si elle avait un conseil à donner, ce serait celui-ci: «Certains enseignants prennent du temps pour la respiration avant les examens, mais pourquoi ne pas le faire à d’autres occasions, de façon à éviter la dérive utilitariste de ces outils?» L’enseignante ajoute: «D’après moi, l’attention à la respiration doit être un ancrage incarné, car il faut respirer ce que l’on propose aux élèves.» Isabelle Bétrisey, amusée par cette jolie comparaison, confirme la nécessité de cette cohérence, c’est-à-dire offrir aux élèves des outils qui correspondent à la personnalité de l’enseignant.
Pour l’année scolaire prochaine, Nadine Roh a, dans sa fonction d’ERVE, pour projet d’insuffler une dose supplémentaire d’optimisme aux élèves. A suivre…
Nadia Revaz
POUR EN SAVOIR PLUS
Formation continue UNIL-EPFL
Poster du CAS de Nadine Roh