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Echo d’une expo d’arts visuels au Lycée-Collège de la Planta

Le Lycée-Collège de la Planta à Sion a mis en lumière pendant quelques semaines les travaux des étudiants de 5e année en «option spécifique arts visuels», dans le cadre d’une exposition intitulée Le temps des choses silencieuses. Deux classes, celle de Line Evéquoz et celle de Grégoire Züger, ont pris possession du hall et des espaces entre les étages. Zoomons sur les travaux des élèves de Line Evéquoz en suivant la visite d’une classe de 2e année en OS arts visuels, puis de manière encore plus resserrée en dialoguant avec Noor et Amélie, histoire d’en savoir plus sur leurs réalisations.

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Parmi les exigences de Line Evéquoz, il y a la confection d’un livret, trace des étapes de la démarche artistique. Par ailleurs, les travaux devaient s’inscrire dans la thématique de la forme et du temps. Certaines réalisations étant très personnelles, véhiculant des émotions fortes, l’enseignante a préparé ses élèves à recevoir des remarques pas toujours positives. «Exposer, c’est aussi s’exposer», insiste Line Evéquoz, considérant que le défi est plus facile à relever avec des œuvres abstraites. Fière de voir le résultat de l’implication de sa classe de 5e année dans le cadre de cette exposition, elle commente brièvement chaque travail et rend les étudiants-visiteurs attentifs à certains détails, dont les mains peintes ou sculptées.

Les travaux présentés sont variés, tant au niveau des sujets abordés, allant des états d’âme personnels au message visant à dénoncer les guerres ou les injustices dans le monde, que des techniques utilisées, allant de la peinture à l’huile aux techniques mixtes, en passant par le crochet ou le pastel sec. Dans la galerie des titres, nous avons «Pensées vêtues d’ombre», «Empreintes du temps», «Réminiscences insaisissables», «Blessures d’or» ou «Regards du crime», et aussi une série en anglais, dont «Blue God, Green Earth».


«COUSUES DE SILENCE» ET «LONGÉVITÉ ANCESTRALE»

Noor expose «Cousues de silence». «Je souhaitais dénoncer le harcèlement des femmes au quotidien dans la rue ou sur les réseaux sociaux, et ce quel que soit l’habillement qu’elles portent», explique-t-elle. C’est sa manière de dire que les femmes demeurent des cibles, même après le mouvement #MeToo, tout en étant désormais unies dans la résistance. Son installation textile s’ancre en hauteur sur un luminaire et au sol avec de petites pierres attachées à de fins fils rouges. Les trois vêtements sont un top décolleté, une tenue voilée qui cache presque tout sauf le cou et un haut avec manches longues plutôt basique mais moulant. Des taches ensanglantées se retrouvent sur chacune des tenues à l’endroit des zones souvent sexualisées par les regards intrusifs. Au milieu d’un enchevêtrement de fils, on peut lire certaines remarques ou insultes et les traces rouges représentent là encore l’impact que cela a sur les femmes. Le spectateur ressent leur cri silencieux face à ces violences ordinaires, mais Noor y a ajouté au dos la cicatrisation, avec des vêtements recousus grâce à un laçage rouge, un peu comme ces jointures en or qui symbolisent la résilience dans l’art japonais du Kintsugi en réparant et en sublimant les céramiques. Au niveau de la réalisation, la collégienne a dû s’adapter à certaines contraintes. «Il a fallu du temps pour que tout soit clair dans ma tête et ensuite au niveau du processus de création chaque vêtement a été moulé sur un mannequin, aussi il n’a pas été simple de recréer le drapé avec une colle textile très puissante», précise-t-elle, soulignant s’être embarquée avec enthousiasme dans ce projet mené sur un semestre. Amélie trouve le travail de Noor très inspiré.

«Je souhaitais dénoncer le harcèlement des femmes au quotidien.»
Noor

Avec «Longévité ancestrale», Amélie rend tout à la fois hommage à un pan de sa culture, ayant des origines chinoises du côté maternel, et à un imposant paravent faisant partie de ses souvenirs d’enfance. Elle raconte: «Lors d’un récent voyage en Chine, j’ai ressenti comme un choc culturel, en constatant que la technologie prenait tellement d’ampleur qu’elle en arrivait presque à effacer l’héritage du passé.» Et elle ajoute: «Si dans mon projet, j’ai choisi comme support un paravent, cette réminiscence personnelle prend une dimension universelle avec l’ajout de la citation de Lao Tseu.» La calligraphie chinoise réalisée à l’encre traditionnelle renvoie à une signification profonde: «Après la mort, ne pas être oublié, c’est la longévité.» Au centre de sa création, l’étudiante a façonné un caractère chinois symbolisant la longévité, en le modernisant, de façon à relier les époques. A cela s’ajoute une structure en fleur de lotus, avec insertion d’une pierre de jade. La diversité des médiums et des techniques utilisées impressionne, presque à en faire oublier la difficulté de la réalisation du dessin au fusain et la complexité du montage pour faire tenir l’ornement central en argile sur une structure légère et fragile. Amélie a le sens des détails, puisque tout a été pensé, de l’orientation du regard de la jeune femme chinoise à la fabrication de l’ensemble des motifs décoratifs, en passant par le choix du grammage du papier. Le spectateur est comme happé par la beauté de ce paravent mêlant tradition et revisite contemporaine, même si les sinophiles sont les seuls à décoder la pensée inscrite sur les panneaux sans devoir se référer à l’explication dans son carnet de bord. Noor estime que l’ajout d’ornements modernes apporte beaucoup au travail d’Amélie.

«Lors d’un récent voyage en Chine, j’ai ressenti comme un choc culturel.»
Amélie

Toutes deux ont apprécié de pouvoir mener ce projet laissant place à leur créativité, tout en bénéficiant des conseils avisés de Line Evéquoz. «Heureusement qu’elle était là pour m’orienter vers un matériel plus léger, la pâte à bois, pour la réalisation des dragons, car je n’avais jamais exploré cette technique», observe Amélie. Noor a aussi bénéficié des aides à la réflexion de l’enseignante en arts visuels: «Elle m’a notamment guidée pour adapter mon support et passer de l’idée de socles à celles de fils lestés.»

Noor envisage d’étudier le droit et Amélie a choisi de se former dans une école d’art, mais l’une et l’autre garderont assurément en mémoire cette opportunité d’expression artistique ayant abouti à une bien belle exposition au LCP.

Nadia Revaz


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